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Poutine, la Justice internationale et le début de la fin

Voici un an j’avais exprimé le souhait que face à la violence de la guerre s’élèvent la force du droit et l’espérance de Justice et appelé tous les acteurs du monde du droit et de la Justice à se mobiliser pour arrêter l’agression Russe et ses promoteurs, au premier rang desquels Vladimir Poutine (article publié sur blogapart.net le 24 mars 2022).

Simultanément le Procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim Khan, a ouvert une information sur les crimes possiblement commis sur le territoire Ukrainien et dépêché sur place ses enquêteurs. De nombreux pays ont contribué à ces recherches par un appui technique et en personnel. D’autres institutions (Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, ONG locales et internationales) ont également apporté leur contribution à cet effort d’enquête.

Les résultats de ces investigations ont conduit le Procureur à solliciter auprès des Juges de la Cour la délivrance de deux mandats d’arrêt à l’encontre de M. Poutine et de Mme Lvova-Belova, sa Commissaire aux droits de l’enfant.

Cette décision de la seule instance judiciaire Pénale internationale à vocation universelle, créée en 1998, dont le statut a été, à ce jour, ratifié par 123 états, est un démenti cinglant à tous les opposants à cette Institution essentiellement critiquée par ceux, États ou dirigeants, qui veulent continuer à bénéficier d’une totale impunité c’est à dire à pouvoir commettre les pires crimes sans risquer de devoir en répondre.

Elle est aussi le signe que nul sur notre planète n’est à l’abri de la Justice, fut-il président de l’un des états les plus puissants du globe, aux richesses immenses, doté de l’arme nucléaire et membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Car si l’arrestation de M. Poutine apparaît aujourd’hui purement chimérique, viendra le jour où elle sera une réalité ; comme elle le fut pour ses sinistres prédécesseurs Slobodan Milosevic livré, après la fin de sa Présidence, au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie et Charles Taylor à la Cour spéciale pour la Sierra-Léone.

C’est donc le début de la fin pour ce despote ébloui par sa supposée toute puissance dont le destin est désormais scellé avec comme avenir proche celui d’un fugitif et au-delà celui d’un prisonnier.

Faut-il s’étonner que ces mandats d’arrêt ne visent que les faits d’enlèvement et de déportation d’enfants qui constituent des crimes de guerre, comme vient de l’estimer également la Commission d’enquête des Nations Unies alors qu’ils ne sont qu’une faible part des exactions des forces Russes qui ont commis systématiquement des crimes de guerre ainsi que des crimes contre l’humanité en attaquant massivement et systématiquement des populations civiles?

Il est difficile d’en juger tant que nous n’aurons pas accès au texte du mandat d’arrêt qui est secret pour l’instant, mais il est peu risqué de présumer que, dans le cas présent, il s’agit d’une affaire de pragmatisme, les enquêtes concernant l’enlèvement et la déportation d’enfants ayant pu plus rapidement aboutir ; nul doute que d’autres accusations seront portées lorsque les enquêtes auront permis de les documenter de façon exhaustive.

Ces premières accusations autorisent d’ores et déjà la délivrance de mandats d’arrêt et font de M. Poutine un pestiféré de l’humanité. Certes il continuera à bénéficier de l’appui plus ou moins discret de ses frères en dictature et en inhumanité qu’il est inutile de nommer tant ils sont connus et pour qui, le jour venu, sonnera le glas.

Terminées les visites officielles dans les capitales des états démocratiques, finis les ors du château de Versailles où du Palais Royal de Madrid ! Et s’il se risquait à braver le sort en allant ailleurs qu’en dictature, la société civile sera là pour lui réserver le meilleur accueil et presser la justice de la puissance invitante à exécuter le mandat d’arrêt ; c’est pourquoi M. Poutine est d’ores et déjà psychologiquement un fuyard, lui qui se rêvait en potentat !

L’étau de l’état de droit se forge et se resserre ainsi autour du satrape de Moscou et de sa garde rapprochée; il ne pourra espérer le retournement de conjoncture géopolitique qu’il tente de créer car aujourd’hui, au-delà des dirigeants des états, s’est construite et structurée une société civile, indépendante et déterminée; c’est elle et ses organisations qui veilleront à ce que justice soit rendue, notamment en soutenant les victimes des crimes commis par la Russie, son armée et ses mercenaires; le Mouvement Avocats sans Frontières s’est d’ores et déjà engagé dans cette voie, comme il le fit par le passé aux côtés des victimes de l’holocauste Cambodgien, afin que l’ultime confrontation de ceux qui ont subi les pires crimes avec leurs bourreaux se déroule devant la seule scène que les civilisations autorisent, celle de la Justice.


François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits Humains et de la Terre