Search for content, post, videos

L’Amérique, du rêve au cauchemar d’un grand chambardement (part. 2/2)

Alexis de Tocqueville - Philosophe | 1805 - 1859

Photo : Alexis de Tocqueville – Philosophe | 1805 – 1859

À quels espoirs se raccrocher ? Quels obstacles et quelles herses dresser pour barrer la route à ces funestes entreprises ?

D’abord compter sur les peuples, seules sources authentiques de pouvoir et de légitimité, du moins lorsqu’ils sont en mesure de s’exprimer, et d’abord sur le peuple américain.

Nous devons garder notre confiance dans nos amis d’outre-Atlantique pour se lever contre les mesures prises par leur Président dont il sont d’ores et déjà les victimes. Les centaines de milliers de personnes privées de leur emploi du jour au lendemain, l’inflation qui va résulter de l’augmentation des droits de douane, la récession économique qui s’annonce vont susciter un profond mécontentement.

La société américaine est par ailleurs historiquement caractérisée par la richesse de sa vie collective. Dans son livre écrit en 1835 « De la Démocratie en Amérique », Alexis de Tocqueville nous apprenait que dès leur naissance, les États-Unis avaient vu éclore une extraordinaire vie sociale qui n’a cessé de se developper depuis. Nul doute que réunie dans sa myriade d’associations, elle saura faire face à cette tentative d’asphyxie et contribuer à réveiller les consciences de citoyens temporairement hypnotisés par un personnage soustrait aux impératifs de vérité et de rationalité.
Avec ses scientifiques, ses universitaires, ses médias, ses juges et ses avocats, elle constitue un contre pouvoir qui sera en mesure de barrer la route à ces tentatives de destruction du tissu social et s’opposer efficacement aux diktats de son Président dont il faut rappeler que le mandat ne dure que 4 ans.

Au plan international, il devient urgent de coaliser les États décidés à demeurer ancrés dans les principes démocratiques et les droits et libertés de leurs concitoyens.

Au tout premier rang, figurent les États européens, réunis au sein de l’Union Européenne.

La rupture historique que nous vivons nous a démontré avec éclat le rôle essentiel, primordial, cardinal des États-Unis; leur hyper puissance les rend aujourd’hui incontournables dans tous les domaines, le commerce international, les technologies de pointe et la résolution des crises majeures comme la guerre en Ukraine ou le conflit israëlo-palestinien.

Ce pays était pour nos nations la garantie-or de la paix, de la sécurité et de la démocratie sur notre continent.

Son retournement ou à tout le moins son éloignement fait de l’Europe le seul responsable et le principal sinon le seul gardien de ces inestimables biens communs de l’humanité.

Elle est l’unique organisation internationale d’États qui a fait des principes et valeurs démocratiques son fondement inscrit dans la Charte Européenne des Droits Fondamentaux ; elle n’a, par ailleurs, d’autre vocation que la préservation de la paix et de la prospérité : dénuée de tout projet hégémonique elle est dans l’Histoire du monde un exemple unique d’états réunis volontairement autour d’un projet qui exclut toute velléité de conquête ou de domination tout en réunissant un ensemble de 447 millions de personnes avec une puissance économique qui la place au 3 ème rang mondial après les États-Unis et la Chine.

C’est à ce titre qu’elle fait l’objet de toutes les tentatives de déstabilisation de la part des régimes dictatoriaux, Russie et Chine en tête, rejoints aujourd’hui par les États-Unis.

Face à l’agression Russe contre l’Ukraine elle a maintenu son unité même si, en son sein, deux régimes, le Hongrois et le Slovaque, sont plus réticents et se veulent proches de la Russie. Ce qui nous conduit à relever combien ces temps ont sombré dans l’amnésie et l’irrationnel : ces deux pays, devenus membres de l’Union Européenne, sont ceux là même qui ont subi une agression Russe dans l’histoire récente : la Hongrie en 1956 et la Tchécoslovaquie en 1968 ! Et chaque fois pour la même raison : ils voulaient la démocratie et pour cela s’affranchir de la tutelle Soviétique !

L’Europe est et demeure dans le monde le seul point d’ancrage solide de la démocratie et des droits et libertés qui constituent la charte de l’humanité.
Il est impératif qu’elle renforce et approfondisse son union au plan politique et militaire. L’Histoire nous apprend que c’est sous la contrainte et l’urgence que les progrès se réalisent, récemment après la pandémie du coronavirus, aujourd’hui l’agression russe. Car il saute aux yeux de toute personne censée que seule l’unité des pays européens fera obstacle aux ambitions de ce pays, comme à celles de la Chine et des États-Unis.

Cet épisode historique nous a rappelé que la Grande-Bretagne faisait toujours partie, par sa géographie et son histoire, de l’Europe. Face à l’agression russe, elle s’est naturellement retrouvée dans le camp des états de l’Union Européenne pour soutenir l’Ukraine.

Un tel événement doit nécessairement amener les États démocratiques, plus largement dans le monde, à se rapprocher pour défendre ces trésors de l’humanité que sont Démocratie et Droits de l’Homme.

Est donc venu le temps de susciter une alliance des démocraties qui sont toutes menacées en convaincant les États qui partagent ce choix de la nécessité impérieuse de se coaliser pour défendre les principes qui fondent leur vie sociale ; ces pays regroupent une majorité de la population mondiale avec notamment, des états comme l’Inde, le Japon et la Corée du Sud en Asie, le Nigeria et l’Afrique du Sud sur le continent Africain, le Canada en Amérique du Nord et le Brésil en Amérique du Sud et, bien entendu, les 27 états de l’Union Européenne.

La tâche s’avère aussi difficile qu’indispensable tant le monde est divisé entre des nations aux histoires différentes qui ont été amenées à se rapprocher ou à s’éloigner les unes des autres au gré d’événements majeurs, les guerres, la colonisation puis la décolonisation, l’affrontement Est-Ouest, les religions, mais aussi de puissants intérêts économiques.

Aujourd’hui le risque est trop grand pour ne pas surmonter ces clivages car il s’agit d’une question de civilisation et d’avenir de l’humanité.

Cette coalition aura notamment pour objectif de fortifier les principes et valeurs partagés en les mettant en exergue dans leur vie sociale, économique et politique, en priorité dans les systèmes éducatifs ; et en se donnant notamment les moyens de combattre efficacement les fausses informations et les ingérences néfastes multiples.

Elle permettra un rapprochement et une plus étroite collaboration des organisations de la société civile de ces pays afin qu’elles partagent et mutualisent leurs actions et leurs outils de manière à rendre plus efficiente l’indispensable mobilisation des citoyens pour propager et défendre les droits et valeurs que portent les démocraties.
Ainsi sera bâti un « dôme de fer « qui les protègera efficacement des ennemis laïques ou religieux de leur modèle démocratique.

Les pays occidentaux devront, quant à eux et préalablement, dissiper tous les doutes et réticences qui occupent les esprits des populations anciennement colonisées ou soumises à leur ascendant, sur la sincérité de leur engagement et sur leur volonté de participer à l’émancipation de tous les peuples renonçant ainsi définitivement à leur projet passé de domination et d’exploitation.

C’est à un indispensable réarmement politique et moral que nos anciennes démocraties doivent s’empresser de procéder car ces biens si précieux que sont les libertés, l’égalité et l’interdiction de toutes discriminations, l’éducation et la santé pour tous, l’indépendance des médias et de la justice se sont banalisés au point que les citoyens n’en voient plus que les dysfonctionnements et sont prêts à jeter le bébé avec l’eau du bain, poussés par des partis populistes qui, eux, prétendent posséder toutes les solutions, même s’ils savent pertinemment qu’arrivés au pouvoir, ils ne pourront pas les mettre en œuvre ; c’est notamment le cas sur leurs deux sujets de prédilection qui sont en fait leurs seuls programmes : la lutte contre l’immigration et l’insécurité.

Nos démocraties, fragiles parce qu’ouvertes et libérales, subissent simultanément une attaque, certes sans commune mesure avec la précédente, mais tout aussi réelle, d’idéologies religieuses radicalement hostiles à nos principes et valeurs, caractérisées par leur extrémisme et leur volonté de s’emparer du pouvoir ou, tout au moins, de contraindre les dirigeants à adopter leurs préceptes.

Elles sont à l’œuvre sur tous les continents : en Europe, en Afrique du Nord au Moyen-Orient, en Amérique et en Asie. Si l’islamisme radical est aujourd’hui le plus agressif, sachons voir que chacune des grandes religions sécrète à ses confins de dangereux fondamentalismes, influençant les dirigeants des États où ils sont fortement représentés ; avec l’utilisation sans vergogne par ceux ci de la foi pour obtenir l’appui des croyants et conforter leur pouvoir ; c’est ainsi que d’impénitents athées, comme MM Poutine et Trump, sont désormais confits en dévotion, rêvant de réaliser ainsi l’éternelle Sainte Alliance entre le sabre et le goupillon !

Les États doivent jouer un rôle de premier plan dans ce projet : en imposant une éducation massive aux droits fondamentaux et à la démocratie, dés le plus jeune âge et tout au long du processus éducatif et en faisant en sorte de mettre systématiquement en exergue ces principes dans l’action publique.

Dans cette perspective le rôle des femmes et des hommes qui s’engagent en politique est déterminant.

Si leur désir de conquérir ou de conserver le pouvoir est parfaitement légitime, ils doivent impérativement renoncer à toute démagogie et faire d’abord montre de sincérité et de vérité. La course aux échalotes à laquelle nous assistons est dégradante et inefficace car, arrivés au pouvoir, ils sont et seront rapidement démentis par les faits et discrédités. C’est le problème aujourd’hui de la classe politique et notamment des partis traditionnels qui ont fait preuve, parvenus aux affaires, de leur incapacité à mettre en œuvre leurs promesses, ouvrant ainsi les portes du pouvoir à des partis extrémistes qui surenchérissent sur un avenir radieux avec d’autant plus de sérénité que, parvenus à leurs fins, incapables qu’ils seront de tenir leurs engagements, ils se lanceront dans une fuite en avant et finiront, pour conserver le pouvoir, par devoir réduire leurs détracteurs au silence.

La caricature de ces personnages nous vient des États-Unis dont nous savons combien ils peuvent aimanter la planète entière.

Ainsi la « trumpisation» des candidats au pouvoir va bon train et la force de ce modèle est démultipliée par la puissance des États-Unis de telle sorte qu’il inspire de plus en plus de politiciens en mal de solutions raisonnables. Ils sont ainsi confrontés dans l’idée que la démagogie autour de quelques idées simples, la défense de la nation, l’expulsion des immigrés et l’élimination de la délinquance leur permettra de conquérir le pouvoir ; avec comme arme réthorique le mensonge rebaptisé vérité alternative.

Les citoyens doivent prendre conscience de cette réalité et ne plus détourner le regard de ces dangers imminents : en éduquant leurs enfants à ce que sont les libertés et la démocratie, en exigeant que l’école développe ces enseignements ; mais également en votant pour les partis politiques qui ont fait clairement le choix de la démocratie et de l’Europe et en adhérant ou soutenant les organisations de la société civile, associations et syndicats, qui prônent et défendent les droits fondamentaux en France et dans le monde.

La démocratie ne peut se résumer au dépôt périodique de bulletins dans des urnes, ou à la participation à des manifestations trop souvent infestées par la violence. Elle nécessite un engagement de chacun d’entre nous dans les débats au sein de tous les cercles de la vie tant familiale que sociale ; en n’omettant pas de souligner que ces droits et valeurs constituent pour la France sa plus belle image de marque, celle de Patrie des Droits de l’Homme ; si parfois nous l’oublions, elle demeure vivace dans l’esprit et le cœur des peuples qui cherchent à se libérer du joug de l’oppression.

Le désintérêt et la défiance des citoyens à l’égard de la politique et de ceux qui se présentent à leurs suffrages est proprement mortifère : il y aura toujours des êtres humains prêts à s’emparer du pouvoir. Il n’y a aucun exemple dans l’Histoire d’un pays que personne n’ait voulu diriger; et ceux qui se proposeront seront parés de mirobolantes promesses qui seront autant de tromperies ; c’est le cas dès aujourd’hui dans nos démocraties avec des avancées significatives de partis populistes, à droite comme à gauche. Adeptes des solutions fortes et simples, ils séduisent nombre de citoyens lassés de l’apparente impuissance des partis modérés. Gageons que, confrontés aux réalités, ils seront rapidement démasqués mais qu’ayant muselé toute opposition, ils se maintiendront par la force au pouvoir. C’est pourquoi ils s’attaquent aux verrous instaurés par les démocraties qui sont en France le Conseil Constitutionnel et les Traités Européens, au motif qu’ils empêchent de gouverner les dirigeants démocratiquement élus. C’est ainsi, suprême imposture, que c’est au nom de la démocratie qu’ils s’apprêtent à supprimer les institutions qui la garantissent.

Démasquer quotidiennement les imposteurs, les démagogues et les illusionnistes, tel est le devoir des peuples et de ceux de leurs élus intègres : prendre conscience du bonheur de vivre en Démocratie tout en restant vigilant sur ses imperfections.

Les peuples n’ont pas besoin de rois ;
La Liberté et la Justice leur suffisent,
avec l’obligation qu’ils demeurent acteurs attentifs de leur propre destin.


François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits Humains et de la Terre